« Au fond, se dit-elle, rien ne nous met en mouvement, si ce n’est des objets d’amour. Mais comment concilier, ou hiérarchiser tous ces objets d’amour. Et comment trouver la force de donner priorité à ceux de ces objets que l’on considère comme les plus nobles. Les objets d’amour les plus vils nous causent parfois une si grande souffrance qu’il est difficile de ne pas y succomber par des voies immorales. Et Dieu dans tout ça ? Lui qui est censé être l’objet d’amour ultime : l’objet au-dessus des objets. On tend vers Lui avec si peu de force. On trahirait son amour pour un gâteau ! L’attraction du gâteau s’exerce avec plus de force que celle de Dieu ! Peut-être est-Il plus lointain ? Mais ne dit-on pas qu’Il est très proche ? Que choisir : Dieu ou le gâteau ? Je pourrais donner cette pièce à un pauvre et me passer de gâteau. Pour le moment, j’ai faim. Mangeons ce gâteau… Mon Dieu, si je me rappelle de Toi dans le goût du gâteau, peut-être sauverais-je une part du devoir d’amour que j’ai envers Toi. Quoi qu’il en soit, je l’ai acheté ce gâteau, je ne l’ai pas volé ! Et si je cesse de manger, je vais mourir. Faut-il se laisser mourir pour contenter Dieu ? Non, car si tous les gens aimant Dieu se laissaient mourir de faim, il n’y aurait plus personne pour l’aimer. Et il n’y aurait plus personne pour transmettre Sa parole. Voilà donc qui légitime un bon gâteau ! À ceci près que je ne suis pas sûre de faire partie des gens de bien dont la vie est un bénéfice pour les autres. Mais pour faire mon enquête sur ce point, je dois quoi qu’il en soit me donner un sursis. Je verrai ensuite si je dois me laisser mourir de faim ou non. Voilà donc qui légitime un bon gâteau. D’ailleurs, si je décide que je ne mérite pas de vivre, ce sera pour l’amour de Dieu. Et cette simple décision sera en soi la preuve que j’aime Dieu, et que je dois donc me maintenir en vie. C’est semble-t-il un cercle vertueux, à condition que je ne cesse jamais de me poser cette question ! Un peu de sucre m’aidera sûrement à finir ma réflexion…